C’est une vraie femme. J’ai entendu cette allégation mille fois. Mon Dieu mais qu’est-ce donc qu’être une vraie femme chers lecteurs ? Je me le demande, je vous le demande à vous, vraiment il faudrait mettre à mal les présupposés et les prérequis pour définir de façon explicite et satisfaisante les droits et les devoirs de la femme d’aujourd’hui.

En 1791, Olympe de Gouges écrit une Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Sans valeur légale bien évidemment et politiquement ignorée.

Voici son préambule :

« HOMME, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique [1].

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel.

L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus. »

Je ne vais pas écrire ici un manifeste féministe. Je suis féministe comme le sont toutes les femmes qui se respectent et comme devraient l’être tous les hommes qui nous respectent. Je réclame l’égalité entre les sexes mais ne pratique pas la misandrie. Qui me connaît vous le dira !

En revanche, j’aime les femmes, plus que de raison, avec déraison pour ce double rôle au moins, au mieux pour la pluralité de leurs voix si Femmes, vous êtes vraiment et que l’on vous laisse l’être. N’en parlons plus. Je connais les femmes. Et pas seulement parce que j’en suis une.

Que nous demande la société ? Oui, que nous demande-t-elle ?

Nous devons être des femmes engagées mais savoir fermer la bouche. Nous devons être individualistes, uniques, singulières mais identifiables en terme de case à cocher. Nous devons être belles mais pas à couper le souffle. Nous devons être mystérieuses mais pas dangereuses. Nous devons être intelligentes mais pas au point d’inquiéter le cerveau masculin. Nous devons être maquillées, coiffées, épilées mais surtout pas frivoles. Nous devons être élancées, filiformes, galbées mais pas sportives, athlétiques suffira bien ! Nous devons être sereines mais émotionnellement instables pour qu’on puisse nous consoler. Nous devons travailler dur et rivaliser avec nos collègues masculins mais concocter des gâteaux home made bio pour le goûter des enfants et être opérationnelles pour les sorties scolaires. Nous devons porter hauts nos ventres de femmes enceintes comme des étendards de la belle fertilité de nos conjoints mais maigrir vite, très vite, trop vite. Mais oui, affamons-nous, c’est ça être une vraie femme !

Nous devons être douées au lit mais pas pornographiques parce que seules les libertines le sont. Nous devons gagner notre pain mais ne pas dépasser nos hommes en salaire pour ne pas les émasculer. Nous devons être élégantes mais pas exubérantes. Nous devons nous accomplir mais ne jamais être individualistes. Nous devons être de bonnes mères mais ne pas être que ça car nous devons aussi rester de bonnes épouses. Nous devons accepter de vieillir mais garder la face lisse et ne pas laisser apparaître de fils argentés dans nos chevelures. Nous devons être amusantes mais pas grotesques. Nous devons être sexy mais pas salopes. Nous devons être courageuses mais pas téméraires. Je pourrais continuer pendant des lustres…

C’est tout cela que nous devons être mesdames. Rien de plus. Rien de moins. N’est-ce pas un joli programme ? Aurons-nous assez d’une vie ?

Olympe de Gouges fut guillotinée à 45 ans pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que  un et indivisible.

Et vous alors, allez-vous décider de révolutionner le monde et d’être la veuve noire qui dévore la mâle ou ferez-vous comme la pieuvre de haute mer, une mère exemplaire, couvant ses œufs pendant 53 mois jusqu’à l’éclosion avant de se laisser mourir à petit feu ?

Call for Action. Mesdames, et si vous décidiez d’être enfin vous-mêmes ? Prudes, rangées, ennuyeuses ou folles à lier, fainéantes, laborieuses, ambitieuses ou rêveuses, douces, viriles, franches du collier ou enjôleuses, vous pouvez être tout à la fois ou juste porter pendant un temps l’une ou l’autre de ces casquettes. Vous avez le droit d’être polymorphes et changeantes au gré de vos envies. Si, si, vraiment, vous avez tous les droits !  Vous avez la possibilité d’agir aussi.

Agir pour avoir le choix d’être tout ou partie, d’être une femme sans l’étiquette « vraie », d’être vous, d’être une autre, d’être la femme que vous avez tout simplement envie d’être, d’être libre….


TEXTE : Françoise Sans Gants
PHOTO : Pierre Béteille/Culture 31
MAQUILLAGE : Institut Biba
COIFFAGE : L’Institut de Coiffure

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