Parquet sombre criblé de tâches de peintures, tapis du Caucase, vieux vinyles, icônes russes et quelques tableaux dissimulés sous des toiles vierges, Did Dontzoff se raconte, étendu tel un pacha sur le fauteuil en velours bordeaux terriblement théâtral de son atelier-loft toulousain. D’origine slave russe, né dans le 93 et toulousain d’adoption, il a délaissé la danse contemporaine pour se consacrer à une maîtresse toute aussi exigeante, la peinture. Parmi mille autres, son trait est reconnaissable, à la croisée des itinéraires artistiques, entre abstraction et figuration, une peinture mathématique, géométrique avec une architecture réfléchie.

Né dans une famille d’artistes, Did Dontzoff évoque sa mère et les odeurs de térébenthine, son grand-père russe pignoniste Yakov Illarionovitch Dontzoff qui réalisait les affiches anciennes du Cinéma Gaumont et son parcours d’autodidacte, d’électron libre. Il n’a pas fait les Beaux-Arts et ne le regrette pas, son don naturel pour les arts l’ayant libéré très tôt du carcan d’un destin plus académique.
Globe-trotter, happé par l’énergie des grandes capitales comme São Paulo, Paris, NYC ou Buenos Aires, Did puise ailleurs que dans les livres son inspiration foisonnante : « Je suis très productif, ça me prend vers 23 h et je peux travailler toute la nuit sans aucun signe de fatigue apparent. En mode automatique comme une machine. Je mets de la House à fond dans mon appartement et seul le manque de toiles finit par m’arrêter. Van Gogh a fait 360 tableaux, Picasso 12 000, je suis quelque part au milieu… »
Curieuse d’admirer en vrai les stupéfiants personnages à la Dontzoff, je me rends compte que l’artiste n’est ni conservateur ni égotique, pour lui l’Art doit passer de main en main : « Je peins pour le plaisir et le besoin de peindre, je me laisse porter par l’énergie créative mais je n’ai aucune forme d’attachement à mes tableaux, ils me dérangent presque, je veux qu’ils aillent vivre leurs vies ailleurs… »
Les personnages de Did Dontzoff sont humains, vivants, en perpétuelle métamorphose, tordus de douleur, monstrueux, amoureux, sensuels : « Je peins souvent à plat sur de grands format, je ne vois pas mes personnages venir au monde, c’est après que je comprends qui ils sont. Je ne suis pas anti-sujet comme Soulages, j’aime l’humain, j’aime la vie ! »
À 61 ans, Did Dontzoff confie avoir envie de poser ses valises pour profiter de sa fille et de ses petits-enfants. Il dit pourtant avoir besoin d’être exposé en galerie à Paris, Bruxelles, Londres ou au Luxembourg, pour le défi que cela représente en tant qu’artiste. Le zèbre que l’on ne monte pas aime la compétition et est toujours en quête d’un nouveau challenge. Il parle aussi de son désir de transmettre son savoir et ses techniques, une autre manière de s’investir dans le psycho-social : « À São Paulo dans les années 90, j’ai participé à un projet culturel, une toile de 6 m de long sur 3 m de haut réalisée par des enfants des rues menacés et laissés pour compte. C’était un moment fort ! »
Rigoureux dans son appréhension des techniques, Did Dontzoff garde sa liberté d’artiste en se réinventant via des projets inattendus. Il peint ces jours-ci pour l’entreprise d’impression numérique grand format HODE, un rhinocéros de 600 kg commandé par Philippe Dubois qu’il imagine bien vivre sa vie dans un jardin d’enfants…

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