L’ART DU CONFINEMENT ÉLÉGANT

Dans la team #STAYATHOME, je demande Françoise, Françoise sans gants, satiriste dans l’âme, confinée depuis mars 2020, mais immuablement smart. Depuis le premier « lockdown », je parle anglais couramment, merci Netflix, merci Amazon Prime, cela me donne l’impression de voyager gracieusement sans quitter ma chaise longue LC4 en poulain et sans prendre de risque démesuré.

Au temps du coronavirus,

Même au temps du coronavirus, ou devrais-je dire, surtout au temps de LA covid – puisque depuis qu’elle est inapaisable et mutante, on a féminisé le substantif– le recours à notre segment journalier de Beauté est devenu une nécessité absolue.
Point de mascarade lorsque nous sommes chez nous, les miroirs ne mentent pas, nos maris non plus, nos enfants encore moins ! Il paraît impossible de se laisser vieillir derrière nos masques et les barreaux de nos cellules bourgeoises en escomptant l’heure glorieuse et tant de fois différée de la liberté retrouvée.

Les portraits du XVIIIème siècle

Témoignent déjà de cet art de « se vestir » à la française et c’est dans leurs boudoirs et appartements privés, berceaux d’une oisiveté revendiquée, que les dames délicates se parent et se préparent, à grand renfort de fards, de mouches et de tissus cossus, s’embaumant corps et cou de parfums capiteux. Pour nous, gracieuses d’une autre ère, qui télétravaillons depuis plus de 365 jours ou brassons de l’air confiné, la coquetterie est devenu un luxe. Il nous faut pourtant nous accorder cette pause dans nos emplois du temps ministériels de salariée, entrepreneuse, mère au foyer, cuisinière, femme de ménage …

Oui, lecteurs, la coquetterie se perd, et comme nous avons déjà perdu beaucoup, il serait bon de ne pas nous égarer davantage. Je dis oui à la féminité exacerbée, au peignoir soyeux qui laisse entrevoir la jambe ointe d’huile pailletée, à la mule en velours qui dévoile la cheville – pâle cela va sans dire, puisque le soleil boude aussi – oui encore au vestiaire délicieusement négligé, au pull en alpaga qui dénude une épaule diaphane. Pour la grande majorité d’entre nous, et à toute heure de la journée, la Mode confinée du XXIème siècle laisse terriblement à désirer, vous voudrez bien l’admettre. Jogging informe, pullover mité, legging honteux, cheveux embroussaillés et pourtant, pourtant les ventes de « homewear » ont flambé et notre indésirabilité avec.

La décontraction

Mais pas à n’importe quel prix, ou du moins pas au point de céder sans nous battre au laisser-aller ambiant, reflet de la morosité de cette crise sans fin !
Songez un instant au pyjama de Mademoiselle Gabrielle Chanel, initialement conçu pour la plage et qui devint, au cours des années 30 le vêtement d’intérieur que nous connaissons. Et quand j’énonce pyjama, je ne dis pas emmitouflage intempestif dans un costume deux pièces affreusement confortable, armure contre le désir d’autrui. Car puisque personne ne nous voit, regardons-nous nous même  et offrons à nos yeux une version chiadée de nous–même, en soie et en graphismes, qu’en dites-vous ?

Saisissons nos balais

Et chassons en même temps que les moutons sous le lit le grand relâchement écoeurant de ce confinement qui s’étire à l’infini, comme notre ennui. Non résolu aux vestes à capuche gris passé, non aux chignons dégoulinants, non aux savates-chaussettes traînantes et non encore à la disparition du maquillage. Je ne sais pas vous, mais je n’hésite pas à enfiler mes colliers, mes bracelets juste pour le plaisir intense de les entendre tinter autour de moi comme un appel à la noce. J’appose un trait de khôl sur mes paupières ou un lipstick rouge carmin sur mes lèvres pour ma visioconférence de la semaine ou pour siroter un café noir chez ma voisine lookée et vaccinée.

Car je ne me rends pas n’importe où ni chez n’importe qui. Je trie les visites sur le bout des ongles manucurés maison de mes acolytes, guettant celles qui click and collect dans les eshops toulousains, celles qui optent avec soulagement pour vinted, celles qui n’ont pas encore renié la fast fashion. Chacune son passeport Mode, pourvu qu’il y ait effort ! Restons alertes, la Fashion Police a les yeux grand ouverts, même en temps de claustration !
Que dire encore? Confinons-nous, mais ne nous protégeons pas de la possibilité rassurante de notre propre contemplation de nous-même. Qui nous aimera si nous ne pouvons adorer notre propre image ? Je sais, oui je sais, Narcisse est mort de langueur face à son reflet dans l’eau de la source, mais nous n’irons pas jusque là, nous sommes raisonnables …

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Karine Sayagh Satragno

TEXTE : Françoise Sans Gants
PHOTO : Olivier Veyret / Ollen Foto
COIFFAGE  : L’institut de Coiffure
STYLISME  : Olivia Samson,
Boutique Les Cigales

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